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Être pèlerin : droits et devoirs

Être pèlerin : droits et devoirs

Qu'est ce qu'être pèlerin ?

Tous les anciens pèlerins de Saint Jacques vous le diront : on revient autre d’un tel voyage. Marcher deux mois dans la campagne ou marcher deux mois sur le chemin de Compostelle sont deux expériences totalement différentes.

Ce chemin est vivant, « chargé », parcouru par les énergies, les joies, les prières et les souffrances des centaines de millions d’hommes et de femmes qui l’ont parcouru depuis plus d’un millénaire. Beaucoup de simples randonneurs avouent qu’ils sont arrivés pèlerins à Santiago. Pourquoi cette transformation ? Et qu’est-ce qu’un pèlerin ? Le sujet est bien vaste. Mais l’expérience est si extraordinaire que des milliers de marcheurs prennent chaque année le départ.

 Le chemin se charge ensuite de les pétrir, de les moduler à sa propre image. Ils deviennent rapidement eux-mêmes un chemin en marche, et se dirigent vers l’occident, vers la Galice, avec une volonté et une énergie dont ils ne se croyaient pas capables quelques semaines auparavant. Mais où prennent-ils cette énergie ? En réalité il s’exerce souvent un échange subtil entre le marcheur vers Compostelle et les gens qu’il rencontre au long du chemin, autres pèlerins ou riverains.

C’est aux actes du marcheur qu’on reconnaîtra s’il est ou non « pèlerin », s’il correspond à l’image du pèlerin dans l’inconscient collectif des autres. Chacune de ses actions retombera en sourire ou en mauvaise humeur sur celles et ceux qui le suivront. Reste le point de vue religieux, car à la notion de pèlerin est souvent associée une image de religiosité, même s’il est vrai qu’on parle aujourd’hui plus souvent d’humanisme que de religion. Il convient, quand on part sur ce grand Chemin, de faire preuve d’une immense tolérance, et d’accepter que les Autres possèdent également une petite parcelle de la Vérité.

La courtoisie envers les riverains

Les riverains du chemin sont en général heureux du regain du pèlerinage, et éprouvent du plaisir à rendre service et échanger quelques mots. Les anciens surtout, sont très bavards, mais sachez respecter leur tranquillité et leur domicile.

Ne pénétrez pas dans leur jardin pour vous servir seuls de l’eau, ils n’apprécieraient sans doute pas, et n’oubliez pas de souhaiter le « bonjour » en traversant les villages et les campagnes…

Il vous arrivera, comme c’est arrivé à de nombreux pèlerins sur ce grand Chemin, de recevoir une hospitalité de la part d’inconnus, qui seront frappés par votre démarche et souhaiteront honorer leur maison de votre présence. Ce peut être pour une tasse de café, un repas, voire une étape complète. Il serait inconvenant de repousser un tel geste de gentillesse, mais il faut savoir y répondre de manière discrète et appropriée, afin que la chaîne d’amitié, qui tire depuis des siècles femmes et hommes jusqu’à Compostelle, ne se rompe jamais.


Une petite carte postale de Santiago sera souvent le plus beau des cadeaux pour ceux qui vous auront ouvert leur coeur et leur demeure.

La courtoisie envers les hébergeants

Le chemin de Compostelle n’est pas le Club Méditerranée ! Si vous comptez passer des vacances pas chères avec des prestations de luxe tout en éprouvant le frisson du Moyen Age, ne prenez pas le départ. Si dès les premiers jours vous ne cessez de grogner contre les différents hébergeants au prétexte qu’ils n’offrent pas ce dont vous aviez l’habitude en vacances, rentrez vite à la maison et laissez le chemin aux gens heureux simplement d’être là sur un grand chemin d’Histoire…


Ne vous trompez pas d’hébergement. Votre qualité de pèlerin ne vous donne aucun privilège particulier, ni droit à aucune réduction. Certains hébergements se sont établis sur cet itinéraire historique avant le renouveau du pèlerinage, et leur demander une réduction, voire la gratuité, sous le prétexte qu’on porte une coquille, peut finir par agacer les propriétaires, surtout si la demande est faite dix fois par jour. Prévoyez donc que dans l’immense majorité des cas, vous allez être dans l’obligation de payer votre hébergement et votre nourriture. C’est d’ailleurs ce que vous faites lorsque vous êtes à la maison…


Même en Galice, les albergues réservées aux pèlerins autrefois gratuits sont désormais payantes. Dans le reste de l’Espagne existe désormais un prix fixe ou une participation aux frais, certes modérée. 

Souvenez-vous, surtout les jours de pluie, que l’arrivée de marcheurs ou cyclistes plus ou moins boueux est diversement appréciée par certains hôteliers, peut-être du fait du sans-gêne de quelques randonneurs. Un hôtel reste la propriété de celui qui l’exploite, et vous ne feriez rien pour la promotion de la randonnée et du chemin de Saint Jacques en laissant sur la moquette de longues traces de vase, en transformant votre chambre en buanderie, ou le lit en aire de pique-nique.


Dans certains gîtes ou chambres d’hôtes, vous devrez accepter de partager votre chambre avec d’autres pèlerins arrivés plus tard. Même si vous espériez ce soir-là un peu de silence et de tranquillité, ne le montrez pas. C’est la vie du Chemin…

Le respect envers les structures d'Eglise

Quelques pèlerins s’imaginent encore qu’ils peuvent encore demander aux prêtres des paroisses le gîte et le couvert, et que ceux-ci sont tenus de les leur donner. D’une part ces prêtres ont souvent déjà fort à faire à gérer leurs multiples paroisses, et d’autre part ils ne sont ni hôteliers ni restaurateurs. C’est à vous d’organiser vos étapes en fonction de vos possibilités physiques et des hébergements disponibles, de façon à ne pas vous trouver sans logement le soir venu.


Les moines ou moniales qui prient depuis leurs abbayes en plein champ pratiquent très souvent l’hospitalité. En cas de difficulté, vous y trouverez assistance, mais leur accueil est d’abord tourné vers ceux qui viennent ici passer quelques jours de retraite spirituelle.
Souvenez-vous également que la règle du silence y est la plupart du temps exigée. Alors si vous mourez d’envie de raconter à tous au milieu du repas vespéral la couleur des écailles du goujon, abstenez-vous de tirer la cloche du portail du couvent…


Toutefois, certains monastères, presbytères ou communautés laïques, voire de simples familles, consacrent l’essentiel de leur temps à l’accueil des pèlerins, telle l’Hospitalité Saint Jacques à Estaing, l’abbaye de Conques ou le couvent de Vaylats. Ils vous proposent, mais ne vous obligent pas, de participer à leurs prières et cérémonies. La plupart de ceux qui vont en de tels lieux sont avant tout en recherche spirituelle. Respectez leur quête, même si vous ne partagez pas leur croyance. Saint Paul a dit : «Si vous ne donnez pas avec le coeur, ne donnez rien». Cette belle parole n’empêche pas ces hébergements d’avoir, comme les autres, une kyrielle de frais fixes. Souvent, aucune participation n’est demandée ni imposée, mais il semble de bon aloi de laisser une somme couvrant les dépenses.

Il est correct de déposer entre 20 et 30 euros pour la demi-pension. En procédant ainsi, vous offrez à vos hôtes une juste rémunération, et vous leur permettez de « donner » plus tard l’hospitalité à des gens qui ont de faibles moyens.

Le respect de la pauvreté

Certains pèlerins, ou se prétendant tels, souhaitent réaliser leur voyage comme au Moyen-âge, c’est-à-dire sans argent. Il convient de mettre en garde ceux qui pratiquent ainsi. Nous ne sommes plus au Moyen-âge, et encore beaucoup de pèlerins de cette époque avaient-ils un petit pécule à dépenser. Ce sont souvent les autres pèlerins, dont le budget n’est pas forcément extensible, qui finissent par dépanner ces pauvres-là. Si vous souhaitez vraiment imiter certains de vos aînés, alors dormez dehors et grignotez des miettes.
On ne peut pas à la fois vouloir imiter les anciens, et en même temps profiter des bienfaits de notre siècle (douche, matelas), sinon à jouer d’hypocrisie et à mettre mal à l’aise les riverains et les accueillants, qui ont beaucoup investi sur ce chemin pour en assurer la pérennité.
Si vous avez la chance d’avoir un revenu et quelques économies, alors laissez la pauvreté aux gens réellement pauvres, et qui souhaiteraient bien souvent disposer d’assez d’argent pour régler leur dû et vivre dans la dignité.

Si vous avez un animal

De plus en plus de pèlerins partent accompagnés d’un chien, en tant qu’animal de compagnie, ou alors un âne comme animal de bât, ou encore un cheval, comme animal de selle. C’est une façon originale de voyager, qui provoque souvent la sympathie des riverains. Mais rappelons-nous que l’originalité, lorsqu’elle tombe dans l’outrance, provoque souvent l’intolérance. Aussi le maître devra veiller à ne pas gêner les autres personnes, pèlerins ou riverains. L’odeur du chien mouillé, les poils pour ceux qui sont allergiques, ne seront pas forcément du goût des compagnons de dortoir. Personne n’appréciera de voir un âne croquer ses rosiers, ni un cheval déposer ses crottins devant sa porte.

Conclusion

Droits : le pèlerin a le droit d’être heureux.
Devoirs : le pèlerin a le devoir d’être content !